Source : www.montagnes-magazine.com
Quel type de mousqueton utilisez-vous pour réaliser un relais ?
Quel type de mousqueton placez-vous sur les ancrages pour une triangulation ? Une majorité de grimpeurs serait bien en peine de répondre précisément à la question. Mais cette même majorité utilise ce qu’elle trouve en vente dans les magasins et qui comble son attente : un mousqueton à vis avec une ouverture assez large.
Ainsi s’explique probablement l’engouement pour les mousquetons de type HMS, fortement représentés dans les rayons des magasins et sur les baudriers des grimpeurs. Tous ces mousquetons dits de sécurité (parce que comportant un verrouillage) sont vendus le plus souvent sans aucune précision sur l’usage pour lequel ils sont conçus et encore moins sur leur classification dans le label UIAA « mousqueton » et la norme européenne.
Les commentaires sur catalogue papier ou en ligne ne sont pas d’une grande aide, en témoigne un exemple courant : « Mousqueton à vis de très belle qualité, léger galbe pour optimiser l’ouverture système Keylock pour faciliter les manœuvres de cordes. Finition anodisée. »
Un grand flou donc, au milieu duquel on remarque parfois le sigle HMS mentionné pour quelques modèles, sans pour autant que soit précisé à quoi correspondent ces trois lettres.
D’où nous vient ce mousqueton en vogue ?
HMS signifie en allemand Halb Mastwurf Sicherung, ou demi-cabestan. En effet, ces mousquetons sont dessinés pour l’utilisation de ce nœud de freinage. Ils permettent le retournement du nœud grâce à la forme plus ou moins symétrique et une grande largeur du mousqueton.
Par forme symétrique on entend que les tangentes aux courbes des petites et grandes largeurs sont parallèles ou presque, la courbe du grand côté est très peu marquée voire inexistante. Un demi- cabestan coulisse toujours au-delà d’un effort sur la corde de 2,5 Kn.
La forme d’un mousqueton HMS symétrique en fait un très bon mousqueton d’appareil : les cordes ne sont pas projetées dans un angle mais demeurent au centre du côté large avec de fait une pression identique au passage dans le frein utilisé. En rappel ou pour l’assurage.
Le mousqueton HMS est conçu pour un usage dynamique, où il est un des éléments actifs du frein employé. Il n’est pas conçu pour l’application d’une charge.
Le mousqueton HMS est marqué d’un H à côté de la mention des résistances.
Qu’est-ce donc qu’un mousqueton non HMS ? La norme EN12275 / UIAA 121
Sont recensés 6 types de mousquetons :
B : mousqueton de base pour les usages courants
D : directionnel (mousqueton pour les dégaines par exemple)
X : de forme ovale aux deux côtés parallèles, la largeur est constante, pour l’escalade artificielle
H : forme de poire plus ou moins symétrique, pour l’assurage au demi-cabestan ou avec frein
K : Klettersteig qui signifie via ferrata en allemand, forme et résistance permettant des efforts en porte-à-faux défavorable
Q : quick-link, ce sont les maillons rapides homologués pour l’escalade et l’alpinisme
Après cette énumération, attardons-nous sur le mousqueton de type B.
C’est cette forme-là qui est retenue pour la chaîne d’assurage, dégaines, mousquetons libres, etc. Le dessin de ce mousqueton possède une pente très marquée ayant pour effet de ramener – à l’arrêt d’une chute par exemple ou lors de toute charge appliquée – la corde contre le grand axe du mousqueton. L’effort est donc exercé sur la partie la plus forte du mousqueton, dans la position la plus favorable.
Pierre Allain – alpiniste, inventeur, grimpeur à qui l’on doit une partie essentielle de notre matériel moderne – avait déjà réfléchi à la chose pour la réalisation du premier mousqueton en alliage léger de l’histoire dans les années 30. Le grand axe est de section plus forte que le reste du mousqueton, la pente du petit axe est très marquée, le résultat est tel que Pierre Allain supprime le système d’accroche du doigt, le mousqueton restant de facto toujours ouvert. Malgré cela la résistance atteint les 1600 kg! Jamais un autre mousqueton n’approchera cette résistance doigt ouvert ! On voit donc ici toute l’importance de la forme du mousqueton. Que se passe-t-il avec un mousqueton HMS ? C’est ici que réside le principal des tests menés par la FEDME.
Le Pierre Alain 1600.
Chronique d’une rupture
Experimento mosquetones HMS. from juanito on Vimeo.
Dans le test de la FEDME, la triangulation est effectuée avec une sangle dyneema (statique) et un pavlotin en respectant un angle de 40° d’ouverture selon un triangle équilatéral avec en son centre le point central muni d’un mousqueton type B. La répartition de la charge entre les deux points d’ancrage est à hauteur de 53,2 % chacun (triangle des forces). L’effort appliqué sur le point central est au moment de la rupture de 23,3 Kn, soit environ une charge de 12,4 Kn sur les mousquetons ! Le mousqueton défaillant avait une résistance annoncée de 27 Kn, la rupture s’est produite à seulement 46 % de cette valeur annoncée! Comment est-ce possible ? La pente faible ou quasi inexistante sur le mousqueton HMS empêche la sangle ou la cordelette de se positionner contre le grand axe du mousqueton lors de la mise en tension de la triangulation, la cordelette ou la sangle venant naturellement se placer côté ouverture du mousqueton HMS. Ce côté ouverture du mousqueton est son point faible quel que soit son type. Dans notre triangulation l’effort se retrouve inexorablement appliqué sur ce talon d’Achille. À l’inverse, dans une triangulation réalisée avec des mousquetons de type B, la charge se trouve dirigée contre le grand axe, point de plus grande résistance.
Qu’en est-il du mousqueton HMS pour d’autres usages ?
La forme particulière du HMS fait qu’il travaille toujours dans une position défavorable. Pour s’en convaincre – ils le pressentaient fortement – les gens de la FEDME ont procédé au test de résistance simple de douze mousquetons sur une machine à tracter. Ce fut une hécatombe. Seul trois mousquetons ont tenu les 20 kN minimaux prévus par la norme. Tous les autres (voir la liste ci- dessous) ont cassé à 40 % de la valeur inscrite par le fabricant. Aucune déformation du mousqueton n’a été observée avant la rupture du point faible, le système de fermeture – Keylock le plus souvent. La valeur marquée sur le mousqueton a été approchée (3 kN de moins) lors d’un essai sur trois modèles avec application forcée de l’effort sur le grand axe du mousqueton. Dans ce cas, les valeurs de rupture observées dans le premier test se trouvèrent améliorées de 40 à 60%.
Mousquetons défaillants au simple test de résistance fait par la FEDME :
>Petzl – William
>Petzl – Attache 3D
>Petzl – Attache 3D nouveau
>Petzl – Attache 3D classique
>Black Diamond – RockLock >Faders – HMS M
>Faders – HMS M
>DMM – Aero
>Grivel – MEGA 66K
>Wild Country – Synergy
>Lucky – HMS 27
Que faut-il en conclure ?
Bien évidemment le relais ne se trouve qu’exceptionnellement sollicité par de tels efforts. Mais même en ergotant plus que de mesure pour défendre ses habitudes, peut-on accepter en connaissance de cause un risque potentiel aussi absurde ? La réalisation d’un relais nécessite des mousquetons de type B à l’exclusion de tout autre.
Un mousqueton HMS symétrique est destiné exclusivement à l’assurage sur demi-cabestan ou couplé à un frein au travers duquel passent les cordes coulissant sur le mousqueton. Il doit être réservé à l’usage pour lequel il est conçu, à l’exclusion de tout autre tel que :
> l’encordement sur mousqueton (glacier, cordée de trois en terrain facile)
> placement d’un mousqueton à verrouillage sur un point d’assurage
> utilisation d’un mousqueton maître sur le relais. Cela revient à empiler différents connecteurs en arguant l’aspect pratique, quitte à reproduire la situation la plus défavorable en guidant les forces appliquées vers le talon d’Achille du relais : un mousqueton HMS (parce que large) sur lequel toute la cordée place les dés de sa vie.
Mise à jour du 02 mai 2018
L’article a suscité intérêt et réactions.
D’aucuns regrettant que l’on hurle au loup pour un petit roquet aux oreilles basses dont la morsure ou l’attaque serait au choix hypothétique ou sans conséquence. On pourra ergoter en tout sens et tous arguments, mais l’article ne fait que reformuler les préconisations de la norme UIAA-121/CE-12275. Dans le même temps, le constat est fait de l’usage généralisé des mousquetons HMS au delà du champ prévu.
Enfin rappelons que les 20 kN de résistance minimale pour un mousqueton peuvent être atteints sur un point de renvoi comme expliqué dans cet extrait d’une page du site de l’ENSA :
Or, un des points d’interrogations est la résistance réelle inférieure à 20 kN de certains HMS lorsqu’il ne sont pas sollicités favorablement.
Dans son interview à Desnivel, l’ingénieur métallurgiste Alfonso Egea va plus loin et propose que soit étudiée la possibilité d’un affichage de la résistance en position défavorable des types H, comme on inscrit désormais la rupture petit axe et la rupture doigt ouvert :
« Compte tenu des différentes conceptions de mousquetons actuellement homologués comme type H, je pense qu’il serait difficile, mais pas impossible, de définir un type d’essai à partir duquel obtenir cette quatrième valeur et peut-être que ce serait un terrain quelque peu ambigu qui pourrait donner lieu à une concurrence étrange entre différents fabricants, alors que l’objectif de la norme devrait être d’établir des normes minimales pour concevoir et fabriquer des matériaux plus efficaces et plus sûrs.
D’un autre côté, je ne sais pas quel pourcentage des gens regardent les détails techniques lorsqu’ils choisissent l’un ou l’autre modèle de mousqueton. Personnellement, j’aimerais avoir cette information et peut-être qu’il ne serait pas si difficile de standardiser un essai semblable à l’essai de l’axe mineur, qui est toujours le cas extrême du désalignement de la charge. »
L’ingénieur rappelle également qu’il est dit dans le texte de la norme que le test doit se faire en favorisant le placement des axes de traction le plus possible vers l’axe majeur, avec usage de graisse et / ou en ménageant une encoche sur le mousqueton !
On trouvera sur cette page très bien documentée le détail des utilisations prévues par la norme pour chaque type de mousqueton :
A noter l’usage précisé, l’exigence de résistance minorée, et sa justification, pour les mousquetons de type H.
Il est spécifié noir sur blanc que les mousquetons de type H sont destiné à l’assurage (connector for belaying).
Comme dit dans un commentaire, nulle coercition — et c’est tant mieux — ne viendra imposer quoi que ce soit (cela existe dans d’autres disciplines comme la plongée) mais connaître son matériel et ses limites est surement favorable à la sécurité du grimpeur ou de l’alpiniste, une erreur technique pouvant se trouver aggravée par un matériel qui ne serait pas adéquat.
Un mousqueton type B coûte en moyenne une dizaine d’euros et tous les fabricants en proposent (Petzl, Black Diamond, Climbing Technology, Simond, etc.) ! A bon entendeur…
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